« …. Je m’étais mis en tête que quant on avait rencontré son gourou, celui-ci devait donner une initiation en bonne et due forme …. Mais Swâmiji avait éludé mes tentatives dans ce sens, je m’y suis alors pris autrement et je lui ai demandé « je voudrais que Swâmiji a défaut d’un mantram, me donne une formule qui résume tout son enseignement, en quelques mots ». Il m’a répondu « oui au moment de votre départ, Swâmiji vous donnera la formule » … ah j’étais content !!! le jour de ce départ approche et un matin, après le petit déjeuner, je vais dire au revoir à Swâmiji, assez impressionné d’avoir connu un sage qui parlait anglais, qui répondait à mes questions, qui me donnait un enseignement détaillé et méthodique. Et Swâmiji m’annonce « Maintenant Swâmiji va vous donner la formule » … « Be happy Arnaud », ce qui signifie « Soyez heureux ». C’est tout. Be happy Renaud. ….
… « Soyez heureux Arnaud » m’a fait éclater en sanglots. C’était si simple, si fort, si terrible que je l’ai senti comme un commandement solennel … et j’ai été accablé en voyant à quel point , fondamental, j’étais incapable d’être heureux.
Je n’avais pas envisagé, je dois bien le dire, la vie spirituelle d’une manière aussi directe et aussi simple.
J’avais envisagé les états supérieurs de conscience, les samadhis. Il m’était même arrivé quelquefois, à travers ma relation avec Mâ Anndamayî, d’accéder à des expériences dites extraordinaires mais non durables. J’avais comme but depuis seize ans d’être présent à moi-même, vigilant, conscient, unifié mais ces mots « Be happy Arnaud » étaient totalement inconnus pour moi. J’ai pris brusquement conscience que je n’étais pas heureux, alors que je ne me sentais plus du tout malheureux après l’avoir été tant et plus à différentes époques de ma vie, je n’étais pas heureux et j’étais bien incapable de l’être. Le but de la spiritualité était aussi simple que cela. Je ne pouvais ni fuir ce but ni tricher avec lui….
« Be happy Arnaud », je n’y avais pas pensé tout seul. Je croyais même qu’être heureux c’était très profane, que seuls les égoïstes et les jouisseurs cherchaient a être heureux mais qu’un homme porté sur la spiritualité devait chercher à être vigilant, à méditer, à unifier ses diverses tendances, à éveiller en lui des énergies latentes…..
…. « Be happy ». Voici le grand Commandement: « Soyez heureux » …. ; il a fallu la force de conviction et le rayonnement de Swâmiji pour m’en convaincre et que j’en fasse en effet le but de mon existence après avoir rencontré en moi une grande résistance et toutes sortes d’arguments insidieusement mensongers pour essayer de fuir ce commandement , comme si ce n’était pas un but assez élevé : le premier venu peut être heureux et nous avons en français l’expression « un imbécile heureux » …..
La vérité c’est que l’égo est bien incapable d’être heureux. Le bonheur non dépendant grandit dans la mesure où diminue l’égoïsme. Ne prenez pas le mot « ego » seulement dans le sens technique du ahamkara sanscrit, la conscience de l’individualité séparée, comme s’il s’agissait d’une science hautement ésotérique. « The ego » en anglais, ahamkara en sanscrit, signifie moi et représente tout simplement l’égocentrisme. Mais le mot bonheur n’est pas suffisamment flatteur pour l’ego. L’égo veut être sage, l’ego veut méditer, l’ego veut avoir des expériences transcendantes, l’ego veut réussir dans un domaine ou un autre, et pourquoi pas dans le domaine de la spiritualité, plutôt que celui des études, du sport ou de la carrière. Si on lui propose simplement « Be happy...» « soyez heureux », l’égo ne peut pas l’entendre …."