Depuis mon retour du grand nord,périple en solitaire de plusieurs mois, je tente de mettre sur papier mon pèlerinage aventureux.
Dans ma relecture quotidienne aujourd'hui ses mots ont surgi. J'ai réussi à les glisser, j'ai rendu le manteau de nomade plus pur, plus vrai...
Je ne sais plus qui disait que quand le livre était rédigé on pouvait commencer à l’écrire.
Deux cent cinquante pages figées sur mon PC, le clavier est venu confident et en relisant je trouve une brèche ou je peux y glisser une pensée du moment.
Le fleuve en ce début d’hiver se momifie; la glace le protège des hommes. Les légendes y sont enfouies et le nomade du grand nord est revenu sur son île, son minuscule bateau. Là bas le présent est la compagne du traverseur.
Nul besoin de se presser, c’est trop grand pour ça, nul besoin de s’énerver on est trop petit…
Le livre sacré du fleuve…
Autres temps, autres pays, autres gens, pourtant et ça c’est moi qui le rabâche sans cesse partout ou je passe, chacun doit vivre sa propre légende.
C’est vrai que je ne me gêne pas pour la construire avec tous les piliers qu’il faut.
Un temple où je me recueille, mon autel est couvert de souvenir et le Dieu prié se nomme Liberté. J’en suis son disciple et si les démons urbains tente de me corrompre, la prière me préserve. La grande rivière m’a forcé de m’y recueillir, je l’ai vu comme une eau transparente, puis mes doutes l’ont rendue boueuse et malgré mes craintes je m’y suis lavé.
Une sorte de baptême sans superflu, j’ai lu la bible maintes fois c’était les vents contraires. J’ai décrypté les versets coraniques, la pluie quotidienne. J’ai récité des Mantra drapé de pourpre, les rayons du soleil. Le voyageur au ralenti que je suis devenu a pris son temps. Une vie nouvelle dans ma vieille histoire. J’y ai vu ma naissance, puis au fil du courant j’ai grandi. Pas trop vite quand même, l’enfant que je suis me tenais la main, me l’a t il lâché d’ailleurs ? La solitude m’a donné mes premières rides, elle m’a fait apprécier le simple feu qui réchauffe le corps mais surtout l’âme errante. Le vol du corbeau créateur de l’univers chez les natifs m’a donné la direction, le castor animal totem de bien de clans, une nouvelle manière de me construire. Ici la vie est légende car le temps n’existe plus. Il est désintégré et le pèlerin en gore tex ne peux suivre que le grand fleuve. Pas de possibilité d’être diverti, une seule solution glisser sur le serpent boueux. Je ne sais pas si c’est prié, mais j’ai causé avec une chose inconnue. La peur m’a démasclé, plus d’écorce. Sans jeux de mot. Un Corse sans peau, à vif. Chaque parcelle était en réception. L’aventure prenait un autre refrain. L’objectif un détail parmi tant d’autres, le présent n’était que le seul temps conjugué. Impératif, passé, futur… déchiré, brulé abandonné, je suis un nomade et mon présent est ma seul joie. Je suis vivant maintenant.
Le fleuve m’a ébloui, l’Alaska m’a émerveillé je suis au paradis. Les monstres tueurs d’aventuriers m’encerclaient, mais est ce que ce n’est pas moi qui les avais enfanté, ne suis je pas leur géniteur ? Les diables rodaient quand le doute venez partager ma paillasse. Je me drapais d’effrois et la brume pénétrait mon bivouac. Je voulais hurler mais de toute façon personne ne m’entendait, je sanglotais mais ne devais chercher ma consolation que dans mon présent.
Lui devenait mon compagnon de route, sa recherche est une direction bien difficile à suivre. Le remords, les projets viennent nous barrer le chemin. Alors sans lutte, sans violence je les ai écarté et rejoins le tracé du présent. Je sais depuis que seul lui est un cadeau…
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