Il fait froid, il neige. C’est un bon moment pour parler de bateaux et d’Ernest Shackleton, aka le survivant ultime, le gars qui parvient à s’en sortir alors que le sort s’acharne sur lui, façon John Crichton
Donc, Ernest Shackleton, c’est un explorateur britannique qui s’est mis en tête de traverser avec son équipe l’Antarctique en 1914. Une paille.
Le plan est simple : un navire spécialement conçu pour résister aux glaces se fraye un chemin jusqu’aux bords du continent et amène l’équipe en haut, et ils s’arrangent pour aller en traîneaux jusqu’en bas en 120 jours, où un navire de récupération les attend. Y a intérêt à réussir et à respecter le timing, parce qu’à l’époque, pas de radio pour prévenir du retard ou des ennuis.
Les ennuis, justement, débutent le 19 janvier 1914 avec l’emprisonnement dans les glaces de leur navire, l’
Endurance, alors qu’ils sont à 90 km du continent… Ca commence mal.
On essaie de dégager le navire, sans succès…
L’équipage et les explorateurs décident d’attendre à bord, plutôt que de s’aventurer sur la glace. Et, le 27 octobre 1915, 327 jours (bravo le respect du timing
) après le début de l’expédition, l’
Endurance est broyée par les glaces et disparaît.
Il reste les traîneaux et les canots du navire, mais ces derniers accusent leurs 450 kg au compteur, donc pour les traîner sur la banquise... Encore plus rigolo, les équipements de survie polaire (sacs de couchage en peau de rennes, le summum de l’époque) manquent : Shackleton doit se coltiner l’équipage du navire en plus de son équipe d’explorateurs. Il n’allait pas les abandonner là non plus.
L’équipe décide d’attendre que la banquise se disloque naturellement pour pouvoir mettre les canots à la mer et naviguer. Ce qui arrive le 491e jour. Oui, ils ont poireauté à manger du phoque et du manchot pendant plusieurs mois dans la région la plus inhospitalière du globe...
Après quelques jours en mer sur de simples canots, ils arrivent à l’île de l’Eléphant, bout de terre rocheux et désolé, dont la plage fait 30 m sur 15… Bon, au moins, l’équipe met pied sur la terre ferme pour la première fois depuis… 497 jours. Problème, le lieu où l’équipe a bâti ses abris de fortune s’avère être une grosse plaque de guano, la déjection des manchots… La chaleur dans les abris fait fondre la neige et permet au guano d’exprimer ses arômes…
Shackleton, estimant que l’île de l’Eléphant n’est pas franchement le lieu le plus fréquenté du globe, et qu’ils pourraient rester là jusqu’à leur mort sans qu’un navire ne les découvre, décide de quitter l’île avec une poignée d’hommes et un canot pour aller chercher du secours sur l’île de la Géorgie du Sud.
Dit comme ça, ça a l’air simple, mais ça représente quand même un trajet de 1290 km sur la mer réputée la plus dure du globe (ce n’est pas le lac Léman, hein), avec une poignée d’hommes, à bord d’un simple canot.
Le 506e jour, le canot le plus vaillant, le
James Caird, upgradé par le menuisier de l’équipe, entame la traversée.
Epique, exténuante, elle dure 16 jours. Ils accostent enfin en Géorgie du Sud, mais du mauvais côté… Il va falloir traverser l’île à pied pour gagner la station baleinière de l’autre côté. Petit détail : la Géorgie du Sud, c’est montagneux, plein de crevasses, et inexploré, donc non-cartographié.
Pas vraiment une promenade de santé, surtout pour des marins sans équipement d’alpinisme. Pas grave, on bidouille des chaussures à crampons en mettant des vis du canot dans les semelles (McGiver inside!), on se sert des outils de menuisier comme des piolets, et go ! Une bonne marche en montagne, ça ne fait jamais de mal.
Après 3 jours d’alpinisme, ils atteignent enfin la station. Et 4 mois plus tard, le 30 août 1916, Shackleton récupère le reste de ses hommes sur l’île de l’Eléphant.
Le
James CairdSir Edmund Hillary, vainqueur de l’Everest :
« lorsque le désastre frappe et que tout espoir est perdu, mettez-vous à genoux et priez pour Shackleton. »